Errance diagnostique (1ere partie)


Voilà une chose qui semble étonnamment galère aux nons initiés, mais relativement banale aux gens souffrant de rhumatismes précoces ou non: la longevité et le labyrinthe du parcours jusqu'au diagnostique.

En parcourant forum ou en discutant en salle d'attente, on se rend compte que le sien, si dur qu'il fut à vivre fut probablement moins pénible que celui du voisin et ainsi de suite. On relativise.

Comme beaucoup et notamment de Franck Gerald de l'association française Action contre les spondyloarthropathies*, ça a commencé avec un diagnostic farfelu de sciatique puis de hernie discale avant mes dix huit ans. Le pronostic est tombé comme un couperet: sans opération à moi la chaise roulante. Ma mère, sceptique fait du social engineering et se rend compte que monsieur le spécialiste régional est un maniaque du scalpel. Exit la hernie discale, mais je reste avec une supposée sciatique, qui en général me laisse tranquille, sauf par moment ou je ressemble à Banban, vu que je boite de manière plus ou moins ostensible. La douleur est variable, parfois incapacitante, mais globalement ne m'empêche pas de vivre, ni de faire du sport.

Je fais le lien maintenant, mais peut-être qu'il n'y en a pas. Que ma spondylo ne se soit déclenchée que suite à une infection digestive.


Car, une vingtaine d'années plus tard, je tombe subitement malade, troubles digestifs intenses pendant plus d'un mois. Ces troubles ne cessent véritablement plus vraiment, ne permettant du répit que par intermittence. A l'hôpital, on est perplexe, analyses, prises de sang, examens variés, pas de diagnostique clair. Peut-être est-ce le gluten ? Un virus ? Dose massive d'antibios qui n'aident en rien.

Quelques mois auparavant des tâches auxquelles je n'avais pas accordées l'attention nécessaire, avaient commencés à troubler ma vue. Les troubles visuels s'intensifiant, je me rends chez un ophtalmo, qui perplexe commence par me donner des gouttes. Quelques mois plus tard, les troubles visuels deviennent insupportables: zones floues, tâches flottantes, migraines... L'ophtalmo est inquiet, et sans me donner de diagnostic clair (c'est un ours), il m'envoie chez un de ses collègues en médecine interne. Il me donne une série de rendez-vous, un médicament qui va devenir mon ami, du Médrol, mais aussi un autre, de la Bactrim forte, en me disant en gros, que si ça ne me fait pas de bien, ça ne me fera pas de mal.

Je vois son collègue, un professeur, un interniste, un charlatan qui n'écoute rien de ce que je lui dit et sais avant même que j'ai ouvert la bouche que j'ai besoin de ses suppléments alimentaires à 400 euros par mois (en plus du reste de l'alimentation). J'objecte le prix, j'objecte mes problèmes digestifs, et mes articulations (talons, bas du dos) qui commencent à me faire mal, les réveils la nuit... Son but ne semble pas de me soulager mais bien de me supplémenter et me faire passer des examens coûteux dont une scintigraphie de la thyroïde. Il conclue à une intolérance au gluten qu'aucun autre examen n'a depuis avéré, et un problème thyroïdien aussi fumeux que l'ensemble des examens sanguins inutiles qui n'ont que confirmé des allergies dont je lui avait déjà fait part. Mon médecin traitant conteste ses conclusions mais il la prends avec mépris en expliquant l'incompétence crasse des médecins de ville, des hopitaux publics et universitaires (on est dans une clinique privée). Et il dégage d'un revers mes plaintes sur le fait que concrètement, il ne me propose aucun soulagement (même pas du paracétamol ou de l'immodium) à court terme pour mieux vivre et que tous mes problèmes seront résolus avec ses suppléments alimentaires. Mais j'ai mal. Prenez le donc en patience.

Pourtant, sans mon médecin traitant, qui m'a accompagné et soutenu dans le diagnostic et a su m'orienter  vers des spécialistes au fur et à mesure des examens, me soutenir psychologiquement face à la fatigue, je pense que je n'aurais jamais pu aller au bout de ce parcours et je ne sais pas vraiment où j'en serais aujourd'hui.

Son ami ophtalmo, pendant ce temps, me diagnostique une uvéite et un iritis (uvéite antérieure). Traitement au Medrol, 8mg, puis 12 dès que je grossis. Résultats non satisfaisants, alors on passe au laser.

Mon médecin traitant soulage mes crampes digestives avec du Spasmomen, me préscrit de la vitamine D et me conseille de voir un hématologue. Elle évoque une maladie de Crohn, peut-être. Direction le gastro-entérologue. Le temps passe. Je subis plusieurs séances de laser oculaire. L'hématologue est sympathique et me parle aussi de Crohn. Résultat des visites et examens gastro: colon irritable.

Mon uvéite s'améliore (de mon point de vue hihi) mais après des dizaines de rendez-vous mon ophtalmo ne m'écoute plus. Ma vue a baissé, je lui dit et il mets trois rendez-vous à la mesurer pour finalement me dire que j'ai bien fait d'insister.

La confiance est brisée. Je suis par ailleurs toujours très affaiblie et malgré les séances de Venofer encadrées par l'hématologue ce n'est toujours pas la forme olympique. Cela fait presque un an et demi que je suis malade de façon variable. Les douleurs articulaires s'intensifient, surtout dans le dos, qui est bloqué par moments. Je boite par intermittence depuis quelques années, avec des douleurs variables que je mets sur le compte de "ma sciatique".

Mon médecin traitant m'accompagne autant que faire ce peut. Je fais des massages shiatsu qui me font beaucoup de bien, mais ne changent rien radicalement. Je me mets à manger bio, à cuisiner plus. Puis, à l'occasion du ras-le-bol du manque d'écoute de mon ophtalmo puis du changement d'hopital pour une 
clinique privée de mon hémato, je me lance dans un plan d'attaque: obtenir un meilleur suivi, une vie quotidienne moins pénible et pourquoi pas... un diagnostic.

* http://videos.doctissimo.fr/sante/rhumatismes-et-articulations/Spondylarthrite-ankylosante-et-vie-quotidienne.html

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